Parloirs conjugaux, sexe avec les gardiens, homosexualité, viols… Le 23 octobre, Pickx+ consacre une soirée à l’amour derrière les barreaux. Le documentaire « Unconditional » nous emmène dans le couloir de la mort aux Etats-Unis à la rencontre de Yolanda et Billy qui ne se sont jamais rencontrés mais vivent une intense histoire d’amour. Après le film, le débat continue en plateau notamment avec Serge Thiry, le « Mesrine belge » qui fait des révélations sur son expérience de la sexualité en cellule.
L’hybristophilie, c’est le « syndrome de Bonnie and Clyde » c'est-à-dire l’attirance pour un criminel. Un phénomène loin d’être nouveau. Au début du 19ème siècle, le tueur en série français Landru recevait des centaines de demandes en mariage. Plus récemment, Marc Dutroux, Michel Fourniret et Salah Abdeslam ont eux aussi reçu des lettres d’amour. Si ces courriers sont la plupart du temps filtrés, ces détenus célèbres fascinent certaines femmes (le phénomène est en grande partie féminin). Aux Etats-unis, il existe même des plateformes spécialisées où les prétendantes peuvent rencontrer des détenus en fonction de leur CV criminel. Chaque année, des centaines de femmes se marient avec un prisonnier qu’elles n’ont rencontré que derrière une vitre.
Serge Thiry a aussi eu son petit succès dans les années 80 quand la presse française le surnommait le « Mesrine belge » : « Les détenus restent des hommes avec un cœur. Ils savent aimer et se faire aimer ». L’homme qui a passé 27 ans derrière les barreaux a rencontré plusieurs femmes en détention: « L'amour c'est un passe-muraille, ça traverse les murs, ça traverse tout! » La psychothérapeute et experte en criminologie sexuelle Sophie Buyse explique: « À l'époque, les parloirs avocats étaient un peu les lieux où se passaient des choses. » Elle raconte que certaines femmes portaient de grandes jupes afin de s'asseoir sur les genoux du détenu. « Les surveillants fermaient un peu les yeux, ce qui faisait que parfois, il y avait des naissances aussi. »
Les surveillants fermaient les yeux.Sophie Buyse - Psychothérapeute et experte en criminologie sexuelle
Aujourd’hui en Belgique, il existe des visites hors surveillance (VHS) dans un local spécial à l’abri des regards. Mais ces pièces sont peu nombreuses et les listes d'attente sont très longues. Ces visites conjugales ne sont donc permises que si le détenu peut démontrer une relation stable de minimum six mois. Une condition qui pose problème pour Serge, qui plaide pour qu’on laisse entrer les partenaires moins régulières, voire les prostituées. « Celui qui n'a pas de copine, il fait comment s'il a envie de ça? Pourquoi n'aurait-il pas droit à faire appel à quelqu'un exprès? Puisque dans notre société, on peut y aller! » Manon Guemas, dont l’ASBL I-Care aide les détenus à préserver leur santé physique mais aussi mentale et sexuelle, raconte que certains détenus sont réduits à inventer de fausses relations pour pouvoir bénéficier de visites conjugales. Elle parle d’un cas dans lequel : « La famille se cotisait pour payer une prostituée qui, du coup, entretenait une relation pour après pouvoir avoir une VHS. » Manon rappelle que l'intimité est importante pour l’équilibre des détenus. Le droit à la sexualité est d’ailleurs protégé par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mais selon elle, la santé des détenus d’une manière générale est largement négligée par les autorités belges.
Au sein des prisons, il y a aussi parfois des rapprochements entre détenus du même sexe. C'est une homosexualité qui est dite « de circonstance ». Si cela n’a pas été son cas, Serge confirme l’existence de ces « moments d’égarements » même s’il ajoute que ce n’est pas bien vu pour autant. « Entre hommes ça arrive, même s'ils ne sont pas portés forcément sur ça. » Il va même plus loin en parlant de viols : « Il y a des choses qui se passent et parfois ça peut être violent. J'en ai connu qui n'osaient même pas parler. » Selon lui, à l’époque c'est la famille de la victime qui avait dû dénoncer les violeurs: « Ils ont pris quelques années en plus pour viol en cellule. Ça c'est le truc le plus grave! »
Au Canada, des expériences rouvent qu’une bonne santé sexuelle en détention permet de réduire les tensions et de favoriser une bonne réinsertion. Mais en Belgique, comme les quatres connaisseurs du monde judiciaire le déplorent, la situation dans les prisons est tellement mauvaise que la santé des détenus est loin d’être une priorité. Il y a une crise pénitentiaire dans notre pays, la Belgique a été condamnée plusieurs fois, notamment à cause de la surpopulation. Il y a bien une nouvelle prison à Haren mais elle est déjà pleine. Cette situation a de graves conséquences. Le taux de suicide d’abord: en 2023, 15 des 49 décès survenus dans les prisons belges étaient des suicides. Ensuite, le taux de récidive très élevé: dans les quatre ans après la sortie, 70% des libérés récidivent. Alors que dans les pays scandinaves, environ 90% des réinsertions sont réussies. « Pourquoi? Parce qu'on n'a pas préservé les liens familiaux, on n'a pas préservé la sexualité, on n'a pas préservé les relations parents-enfants. » selon Alessandra d'Angelo, ancienne avocate devenue journaliste. « Il faut savoir qu'aujourd'hui, on a 17 000 enfants de détenus par an. Et les statistiques prouvent que dans ces 17 000 enfants, 40% connaîtront la prison comme papa ou maman. Donc 40% de 17 000, ça fait la moitié de notre population carcérale. » Voilà pourquoi selon l’experte, il s’agit d’un cercle vicieux.
Dans les quatre ans de la sortie, vous avez 70% de personnes qui récidivent.Alessandra d'Angelo- Ancienne avocate - Journaliste
Découvrez le documentaire « Unconditional » et le débat qui suit le 23 octobre dans « .doc » sur Pickx+ !
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